J'ai gentiment forcé la main au destin et
J'ai gentiment forcé la main au destin et finalement, nous verrons non seulement Cologne mais aussi Berlin au mois de juin. Cela va faire plus de sept ans que je n'y suis pas retourné.
La première fois, de passage pour une journée avec le lycée quelques semaines à peine après la Wende, j'avais cassé au marteau des morceaux de mur conservés précieusement.
Je garde un souvenir ému de mes premières vraies déambulations berlinoises, quatre ans plus tard ; j'avais dix-neuf ans à peine et avais obtenu de l'Université de Potsdam une bourse pour un séjour d'un mois, avec à l'arrivée cette surprise : voici l'argent, bon séjour chez nous. Non non, pas de cours à suivre, pas de programme prévu, rien. Un mois de liberté totale pendant lequel j'avais arpenté la capitale de long en large, rentrant tous les soirs dans cette lugubre caserne reconvertie en cité universitaire, au fin fond de la banlieue brandebourgeoise. La ville m'avait fortement impressionné, magnétisé. J'avais découvert la photographie de Nan Goldin en pénétrant par hasard dans la Neue Nationalgalerie dont j'étais ressorti assommé. Puis j'avais vu Himmel über Berlin dans ce minuscule cinéma (existe-t-il encore ?), et fait le pélerinage à la Siegessäule pour m'approcher des anges. Et le chantier de la Potsdamer Platz à peine entamé…
Encore six ans plus tard, je n'aurai de cesse de l'arpenter, comme j'arpente toutes les villes inconnues de façon presque compulsive, marchant des heures au hasard. Je me souviens de la lecture qui m'accompagnait alors et qui m'avait fait vivre des heures inouïes dans un café de l'Oranienburger Straße. Lol V. Stein, une révélation qui s'imposait comme une évidence et me forçait à interrompre ma lecture pour noter dans mon journal les émotions qui me dévastaient à mesure que les pages défilaient. La Hefeweizen rendait la scène encore plus irréelle et il faisait nuit quand je quittai le café. Et le Berliner Ensemble avec Martin Wuttke en chien sauvage, et la Volksbühne et son théatre détestable fait de cris, de sang et de corps dénudés… et Oliver, le dandy maladroit que j'aurai tant de plaisir à revoir cet été… et… et…