Je suis entré prudemment dans l'eau, presque
Je suis entré prudemment dans l'eau, presque chaude, et j'ai avancé en prenant soin de ne pas glisser sur les cailloux. Plus loin, alors que j'avais de l'eau jusqu'à la taille, j'ai fait mine de me baisser comme pour m'asseoir, et mes jambes sont brusquement remontées à la surface. Passées quelques fractions de seconde dans une position aussi inconfortable que ridicule, je me suis rapidement retrouvé sur le dos, parfaitement à plat. Au-dessus de moi, le ciel se teintait des derniers éclats du soleil qui se couchait lentement sur ma gauche, derrière les contreforts du désert de Judée. Sur ma droite, la Jordanie à quelques centaines de mètres. Les bras en croix, dans le silence du crépuscule, je me suis longuement laissé porter par les eaux salines de la Mer Morte, essayant de fixer cet instant hors du temps qui cristallise peut-être le mieux cette semaine de bonheur intense, de découverte et de joie.
Le voyage, le vrai. Voilà bien longtemps que je n'en avais goûté l'unique saveur, celle de l'appréhension et du dépaysement fulgurant à l'arrivée, celle des petites habitudes que l'on se crée dans les endroits même les moins familiers, celle de l'arrachement du départ.
Jérusalem chaleureuse et tendue, fascinante et parfois éprouvante. La longue route dans le désert de cailloux, les oreilles bouchées par la dépression abrupte qui nous mène vers la Mer Morte. Imposante et suffocante citadelle de Massada. Étranges villes posées au milieu de rien. Et Tel Aviv chaleureuse elle aussi, détendue et grouillante.
Le voyage et son lot de nostalgie, inévitable. La tête forcément ailleurs, je boude, je traîne, je pleure intérieurement. Je sais bien que dans quelques jours à peine, tout cela sera oublié, je sais à quel point le temps fait notre affaire.
Qu'est-ce que c'était beau.