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Face A
5 décembre 2005

Ma religion et moi (1)

Mes parents, quand je les questionnais, m'expliquaient toujours qu'ils m'avaient baptisé « pour les grands-parents ». Maternels, sous-entendu. Ma mère est la seule de sa fratrie à ne pas aller à la messe, à ne pas être croyante. Mon père, lui, était limite anticlérical. Mon frère et moi avons donc naturellement été élevés comme des non-croyants, et aussi loin que je me souvienne, l'absence ou la non-existence d'un dieu quelconque m'est toujours apparue comme une évidence.
Je me rappelle encore avec précision cette scène de mon enfance où, alors que je jouais avec deux de mes petits voisins, la fille me demanda de but en blanc si j'étais allé à la messe le matin. Je n'avais pas eu le temps de répondre que son frère s'empressa de la tancer d'un « Enfin, tu sais bien qu'il ne croit pas en Dieu ! » Aussi jeune que j'aie pu être ce jour-là, ma surprise fut double : d'une part, j'ignorais parfaitement d'où ce garçon pouvait savoir cela, et d'autre part je trouvais amusant qu'il crie après sa sœur comme on reprend un enfant qui se moque d'un handicapé ou d'un noir. Comme si j'avais été malade d'une maladie honteuse.

Je développai avec les années un anticléricalisme certain, fortement influencé par mes relations lycéennes : je fréquentais alors un milieu que l'on qualifiait d'alternatif, une faune joyeuse constituée d'anarchistes et de punks, de baba-cools et de rockers qui avaient tous en commun le simple fait de se rebeller ; contre les parents, contre l'école, contre l'ordre établi, contre la société. Sans pourtant avoir jamais adhéré vraiment à une réelle idéologie politique, j'aimais cet aspect libertaire et me plaisais moi aussi à provoquer à ma manière l'ordre établi. Au lycée, alors que j'étais un élève plutôt docile et travailleur, je me muai en une petite teigne et arborais avec fierté Doc Marten's et casquette à carreaux, cheveux ras et houpette proéminente. La religion et les religieux, évidemment, nous les conspuions.

Alors que s'est-il passé ? En première année de DEUG, il me fallait choisir ce que nous appelions nos « UV libres », à savoir des cours que nous pouvions choisir librement et qui comptaient pour le contrôle continu, dans des proportions moindres que les cours obligatoires. Tant qu'à faire, autant jeter son dévolu sur des cours « faciles » qui remonteraient facilement une moyenne par ailleurs médiocre. Certains de ces cours étaient devenus de véritables institutions ; ainsi l'accès au cours d'égyptologie me fut-il refusé pour cause de saturation. On me proposa de suivre celui intitulé « Initiation au Christianisme ». Je partis d'un grand éclat de rire. « Ah oui, on va m'apprendre à réciter mes prières, peut-être ! ».
Le fait est que quelques semaines plus tard, je commençai à fréquenter ce cours avec assiduité, arrivant parmi les premiers pour être certain de trouver une place dans l'amphi, toujours bondé.
Le cours était passionnant ; cinq ou six enseignants se le partageaient à tour de rôle : un professeur d'histoire ouvertement catholique, un professeur d'histoire de confession juive, un professeur de philosophie, et d'autres que j'ai oubliés. Chacun d'entre eux apportaient sa pierre à l'édifice pour nous offrir un panorama complet et de multiples angles de réflexion. Le catholique, après nous avoir présenté la version historique de l'histoire de Jésus, n'hésita pas à « démonter » le mythe par des affirmations scientifiques. Il faisait clairement la distinction entre ce qui tenait du plausible d'un point de vue historique et ce qui tenait ensuite de la construction mythique. Le philosophe nous présenta quelques réflexions sur des sujets fondateurs du Christianisme, tels que la Trinité, l'amour ou la Grâce.
Je passai mon oral de fin d'année avec le premier professeur, qui m'interrogea sur la Trinité. Il m'attribua une note très généreuse et me retint brièvement avant de me congédier :
« Je peux vous demander si vous êtes croyant ?
- Non, je suis athée. Je n'ai aucune éducation religieuse et ne crois pas en Dieu.
- Et bien permettez-moi de vous dire que je suis d'autant plus surpris par votre oral : vous parlez comme un chrétien convaincu. La Trinité est un des sujets qui rebute le plus les étudiants, et en particulier les non-croyants. Vous en parlez comme si vous aviez vraiment saisi le sens profond de ce concept. »

Quatre ans plus tard, alors que je rentrais d'Allemagne pour effectuer mon objection de conscience et cherchais désespérément un poste d'objecteur vacant, un ami qui terminait son service me proposa de prendre sa succession. Intéressé, je bondis quand il m'annonça que le poste était à l'Institut Catholique de Toulouse. « T'es fou ou quoi ? Je vais quand même pas aller chez les curés ! »
Il finit de me convaincre en me décrivant ses missions : au sein du service audiovisuel de l'Institut, il participait à la réalisation de courts-métrages documentaires en tant que preneur de son et éclairagiste, et gérait la maintenance de tout le matériel audiovisuel du service.
Deux mois plus tard, j'entrai donc chez les curés.

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Commentaires
M
c'est presque comme pour moi, qui me suis "tapé" le cathé en trainant les pieds (même si au fond de moi je crois quand même en "quelque chose") et qui trouve tous les cours abordant la théologie absolument passionnants aujourd'hui...
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F
Et c'est pas fini… j'ai eu encore bien mieux par la suite !
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°
Je suis envieux, je crois que j'aurais beaucoup aimé suivre un tel cours.
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