Au commencement
Il faisait un soleil d'été sur Paris ce jour-là. Une belle chaleur
pour une journée que j'attendais avec une appréhension jamais ressentie
auparavant. J'avais pris le train tôt le matin pour arriver en Gare du
Nord en milieu de matinée. Je descendis de ma voiture et parcourus le
long quai qui me séparait de la salle des pas perdus. Au fur et à
mesure que j'avançais, je sentais la boule qui me tenait l'estomac
depuis quelques jours déjà se resserrer comme pour me faire vaciller.
J'approchais du lieu de rendez-vous.
Il était en retard et m'appela
pour me prévenir, et cette voix qui m'était devenue presque familière
semblait désormais plus proche que jamais. Je finis par l'apercevoir au
loin et me dirigeai vers lui. Nous nous embrassâmes à l'allemande, ou à
l'américaine, dans un hug. Toute mon anxiété était retombée.
La
journée fut splendide, tout en promenades et en longues discussions.
Pas une seule fois nous n'évoquâmes nos récents échanges épistolaires.
Nous parlions de nous, tour à tour, de nos vies et de nos espoirs
comblés ou gâchés. J'avais soudain l'impression de m'ouvrir, de
redécouvrir la vie dans toute sa simplicité et sa beauté. Sous ce
soleil.
Sous ce soleil, cette vie nous rattrapa pourtant, celle à
laquelle nous avions chacun de notre côté essayé d'échapper pour une
journée au moins, une journée qui devait n'appartenir qu'à nous.
Un
appel, des larmes, et un désarroi sans nom. Il avait secrètement espéré
cet appel qui lui dirait « Je sais où tu es, je sais avec qui tu es. »
Ses larmes tenaient de la colère, du soulagement et de la tristesse
mêlés.
Je devais reprendre le train, il était déjà l'heure.
Nous
n'étions plus deux à savoir. Un troisième avait compris et son monde
s'était écroulé. Nous nous quittâmes comme nous nous étions
rencontrés, simplement avec plus d'incertitudes encore. Je repartis
dans ma solitude à deux, et lui vers des journées qui s'annonçaient
douloureuses.
Le lendemain, un message de lui me faisait part de sa
peine. Je ne compris que trop. Simplement, je me retrouvais tout à coup
replongé dans mes turpitudes, et cette fois irrémédiablement seul. Tout
l'espoir qui avait pu me porter au cours des dernières semaines s'était
soudain effondré, dérobé sous mes pieds.
Oui, j'étais seul dans mon
couple et dans mon quotidien. Et puisqu'il en était ainsi, et bien
j'allais tout reconstruire. Sans me bercer d'illusions comme j'avais pu
le faire au cours des dernières semaines. Repartir à zéro, tout
remettre à plat.
Voilà dix mois que ça dure.