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Face A
8 février 2005

-17-

Je repris les cours à Toulouse début janvier en me préparant à tout moment à devoir repartir. J'appelais mon père tous les soirs et sentais à sa voix qu'il faiblissait encore de jour en jour. Un soir, j'allai au cinéma pour essayer de me changer un peu les idées. Mireille m'appela sur mon portable alors que je sortais de la salle pour me dire ce que je savais déjà : la fin était vraiment proche. J'appelai François, qui arriva chez moi une heure plus tard, le temps pour lui de faire la route. Il dormit avec moi et avait prévu de me conduire à la gare le lendemain.
Sa voiture ne démarrait pas, j'allais manquer le train si j'attendais encore. Il était désolé, je l'embrassai rapidement et courus jusqu'à la station de métro. J'attrapai le train de justesse.
L'anxiété et la frustration de cette séparation rapide et agaçante me nouaient l'estomac. J'appréhendais ce nouveau séjour à Montpellier, bien plus encore que les précédents. Alors que je ruminais ces pensées déjà confuses, un appel de ma mère finit de m'achever.
« Prépare-toi vraiment à quelque chose de difficile. Ça évolue très vite, vraiment. Je sors de la clinique et je suis encore retournée. »
J'avais à peine raccroché que je me mis à pleurer à chaudes larmes. Les passagers indifférents ne semblaient pas me remarquer, ma voisine regardait par la vitre et j'essayais d'essuyer mes larmes en vain.
La nuit tombait très vite. J'arrivai à la clinique et me dirigeai vers le bureau du chirurgien pour demander à le voir. Je dus patienter longtemps dans ce couloir sombre, debout, comme si je devais me prouver que mes jambes pouvaient encore me porter, que je ne flancherais pas.
La discussion fut très brève.
« Comment va-t-il ?
- Il va vous falloir l'accompagner. »
Le message était clair. Dans la pénombre de son bureau, il me semblait être hors du temps tout à coup, loin de la vie, quelque part suspendu entre deux univers, entre deux gouffres. Je traversai la cour de la clinique sous la pluie, il faisait vraiment nuit désormais. L'ascenseur. Le deuxième étage. La porte de la chambre.
Je respirai un grand coup, mes mains étaient glacées.
J'ouvris doucement la porte.

J'aperçus à peine Mireille qui esquissa un sourire fatigué et triste. Je ne voyais que lui. Sous la faible lumière de chevet, il avait repoussé ses draps et dormait dans le silence. Je n'entendis pas immédiatement sa respiration. Je vis d'abord son squelette décharné et déformé certainement par la douleur, dans une position étrange, à demi recroquevillé. Et puis ce souffle rauque qui emplissait la pièce. Je jetai un regard affolé vers Mireille et éclatai en sanglots. Je sortis très vite de la chambre et une fois dans le couloir, je laissai aller les larmes sans même essayer de les retenir. Je n'essayais pas non plus de retenir mes gémissements, ces espèces de petits cris que le chagrin nous arrache. Je me rendis aux toilettes et me regardai dans le miroir posé au-dessus du lavabo. Je me regardais pleurer de tout mon saoul, je m'entendais, je m'écoutais.
Il me fallut quelques minutes avant de pouvoir rentrer dans la chambre. Mon père m'avait entendu et avait demandé après moi, Mireille avait dû lui répondre que j'étais parti chercher un café. Il émergea à nouveau et je lui dis bonjour dans un faible sourire.

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Commentaires
K
Il ya un peu plus de 4 ans, j'avais alors 29 ans, j'ai vécu une scène similaire à beaucoup de points de vue, sauf qu'il s'agissait de ma mère. Elle avait 58 ans. <br /> Les souffrances du deuil, je les ai bien connu. J'ai pleuré chaque jour pendant 2 ans. Quand j'ai commencé à me retrouver, à revenir à la vie, j'avais vieilli, changé, mûri. Oui, ces 2 ans (et un peu plus) se sont passer comme un cauchemar, de nuit, en souterrain…
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