Une entêtante mélancolie m'absorbe depuis hier
Une entêtante mélancolie m'absorbe depuis hier soir… de ces vagues de sentiments flous comme je les connaissais autrefois, flux soudain de sensations diffuses et d'attentes indécises qui vient comme une marée haute s'étendre lentement sur le sable asséché de l'esprit, et dont on ne sait quand il deviendra reflux et se retirera.
Comme souvent, un film au départ de tout cela, et cliché s'il en est… Brokeback Mountain. Non qu'il m'ait bouleversé - d'autant plus que les commentaires incessants de mon homme et son refus de regarder des films en VO m'empêchent bien souvent de me laisser gagner par l'émotion. Mais, une fois couché, quelques minutes après la fin du générique, j'ai rapidement été gagné par une indicible mélancolie qui imprègne encore ma journée et risque de ne disparaître qu'après une nouvelle nuit de sommeil. Je n'ai presque pas dormi, et malgré moi me revenaient sans cesse ces paysages montagneux, qui à eux seuls déjà ont réveillé ma nostalgie latente de l'ailleurs. Et à ces paysages s'ajoutent ces deux hommes, que j'ai pourtant trouvés peu crédibles par moments, et leur histoire inachevée. Ces deux hommes ont passé leur vie à se manquer, dans les deux sens du terme, à se rater, dans les deux sens également. Pourtant, chacun portait l'autre en lui de façon indélébile. Et si le plus bel amour était celui-ci, inaccompli, volé, dérobé, idéalisé, vécu dans l'urgence et la nécessité ? Vital, et vécu dans la vitalité de l'immédiat.
Je déteste le cloaque dans lequel me plongent ces sentiments. Ils viennent réveiller une soif d'absolu, une attente d'ailleurs et d'autre chose que je sais pourtant devoir faire taire. Ce n'est pas ça, la vie.
Si j'ai tant aimé le cinéma, n'est-ce pas pour cela ? Pour trouver dans un geste projeté à l'écran, dans une attitude ou une parole, comme des bouts de ma vie qui la justifieraient, qui sublimeraient le banal, transcenderaient le quotidien ? Et si aujourd'hui je fuis presque les émotions des salles obscures, n'est-ce pas justement parce que je sais que tout cela n'est qu'une illusion, un miroir aux alouettes ? Qu'il vaut mieux vivre sa vie que de la fantasmer sur un écran ?
Ou suis-je tout simplement trop sensible qu'un simple film me donne tant envie de fuir ma vie ?