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Face A
28 octobre 2005

Warszawa

Où l'on reparle de David Bowie et où l'on découvre une expérience qui intéressera certainement Marianne (encore).


David Bowie, Warszawa (6:24, Album Low, 1977)

Difficile de commencer, difficile pour moi d'écouter ce morceau. Il me replonge dans l'hiver 1994-95, celui où je touchais vraiment le fond.
J'ai redécouvert Bowie par des chemins détournés. Grand fan de Philip Glass, j'avais cette année-là acheté sa dernière production, la Low Symphony, adaptée de l'album Low de David Bowie écrit en collaboration avec Brian Eno.
Un soir, après une répétition arrosée avec le second groupe dans lequel je jouais à l'époque, je rentrai chez moi accompagné de Christophe, un étonnant garçon très intimidant que je commençais à découvrir et avec lequel j'ai eu par la suite une complicité particulière. Il devait dormir chez moi pour que je le conduise en ville le lendemain en partant à la fac. Une fois dans ma chambre, Christophe choisit d'écouter le disque de Glass. Surpris par ce choix, je le questionnai et il m'expliqua qu'il ne connaissait pas ce compositeur mais était un grand fan de l'album de David Bowie dont cette symphonie était inspirée. Et particulièrement d'un morceau intitulé Warszawa.

J'achetai le disque le lendemain matin. Un choc. Quelques très brèves chansons « pop » au son sec et cassant, trop courtes pour laisser le temps de s'habituer à leur rythme. Puis de longues plages instrumentales glaciales. Une atmosphère de fin du monde, des nappes de synthés presque sans voix, hantées de quelques chœurs étranges qui parsèment un ou deux titres de chants sans paroles. Warszawa, évidemment. Je n'avais de cesse d'écouter et de réécouter cet album, qui me plongeait dans un gouffre au fond duquel je reconnaissais ma propre dérive.

Puis vint le fameux soir. Nous donnions un concert dans un trou perdu de l'Aveyron. Le bar dans lequel nous jouions avait conclu un accord avec un monastère voisin, qui accueillait pour la nuit les groupes de passage en leur proposant de les héberger dans des cellules libres.
Mes souvenirs du concert sont très flous. Je me rappelle vaguement de ceci : après le concert, alors que j'étais complètement ivre, Y. me glissa quelque chose dans la bouche, que j'avalai sans réfléchir. Je ne compris que le lendemain que c'était du LSD. Nous partîmes ensuite au monastère, dont ne subsistent que quelques images.
Nous dormions dans un grand dortoir divisé en boxes. Peu désireux de nous coucher, nous nous étions tous rassemblés dans une de ces minuscules chambres. La substance commençait à faire effet. Tout le monde avait été d'accord, le lendemain, pour dire que j'avais réellement été ce farfadet dont je portais le surnom depuis des années: bondissant, riant, je ne me sentais plus de joie. C'est là que Christophe s'approcha de moi et porta sa bouche tout contre mon oreille pour me chanter ce passage de Warszawa (aux alentours des 4:03). J'en eus des frissons, qui me reviennent à la simple évocation de ce moment.
Je passai la nuit, alors que les autres s'étaient tous endormis, à gambader dans le monastère désert, riant, me cachant derrière des portes, sautillant, pissant dans les lavabos, fuyant en courant au moindre bruit. Je ne sentais plus mon corps, je n'avais plus aucune notion de lieu ni de temps, tout cela reste un instant complètement détaché de la réalité. Un souvenir très fort me reste cependant : au détour de mes pérégrinations, je pousse une porte et me retrouve dans une grande salle de prière. Les murs sont blancs, la salle est quasiment déserte à l'exception d'un immense crucifix sur le mur du fond. Je tombe à genoux devant lui, terrassé par l'image qui s'offre à moi.

Au cours des mois qui ont suivi, j'ai acheté tous les albums de David Bowie, dont je suis depuis devenu presque inconditionnel. Tout ça pour quelques mots chuchotés au creux de l'oreille. Au fait, les moines ont demandé le lendemain au patron du café-concert de ne plus leur envoyer de musiciens.

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Commentaires
D
je comprends pour David Bowie et puis en ce moment j'écoute "LOW"...<br /> <br /> http://dorian.canalblog.com
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