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Face A
7 février 2005

-13-

Beaucoup de choses devaient changer pour moi dans un avenir proche. En effet, les semaines précédentes avaient été consacrées à ces concours que j'étais censé préparer depuis quelques mois. J'avais donc effectué deux séjours à Paris pour les concours d'admission à l'ESIT, ainsi que le concours d'admission au DESS proposé par l'Université du Mirail de Toulouse. A ma grande surprise, je fus admis aux deux. Il me fallut donc choisir entre un nouveau cursus de trois ans dans une prestigieuse école parisienne et une année de formation à Toulouse. Tout m'avait poussé à rester à Toulouse : un séjour de trois ans à Paris paraissait déraisonnable d'un simple point de vue financier (de quoi vivrais-je en étudiant près de quarante heures par semaine ?), et je n'avais en outre aucune envie de recommencer un cursus de trois ans à mon âge. De plus, bien évidemment, je voulais rester avec François, ne souhaitant pas d'une relation à distance. J'avais donc naturellement opté pour Toulouse, en utilisant toutefois l'option offerte par l'ESIT de repousser mon inscription d'une année, au cas où la formation que j'aurais suivie devait s'avérer insuffisante.
Voilà donc que j'allais enfin me consacrer aux études que je rêvais de faire depuis longtemps déjà, après m'être légèrement fourvoyé dans une discipline qui certes me plaisait, mais dont le seul débouché, l'enseignement, me rebutait. J'allais retourner à l'université et effectuer un stage, et pouvoir me lancer enfin dans la traduction. François avait été assez surpris de ma réussite aux concours mais se réjouissait avec moi et me soutenait. Il avait bien sûr contribué à me faire opter pour le DESS de Toulouse.

Avant de pénétrer au Shanghai, je prévins Pierre que la clientèle du lieu était majoritairement homosexuelle, qu'il ne soit pas trop surpris. Les heures suivantes restent trop obscures à mon esprit. Nous les passâmes certainement à danser et à boire. Je donnai les clés de mon appartement à Pierre pour qu'il dorme dans ma chambre avec Tania. Ils me quittèrent vers le milieu de la nuit, et je profitai d'être seul pour retourner au bar du fond. J'étais ivre mort, j'avais oublié François, j'avais tout oublié de moi-même. Ne subsistait plus qu'une sombre envie de me perdre encore plus loin, de boire et de me fondre dans l'obscurité de la backroom pour m'oublier encore plus. Je me retrouvai à embrasser un homme à pleine bouche, dans le bar. Nous faisions des allers-retours entre le bar et la backroom pour nous toucher, nous embrasser, nous frôler. Je le désirais, je voulais de lui, je voulais de son corps. Je lui proposai de venir chez moi et insistai devant ses hésitations. Il accepta de me suivre et nous partîmes en voiture. N'ayant plus les clés de l'appartement, je dus sonner pendant plusieurs minutes pour réveiller Pierre, qui finit par ouvrir la porte et regarda mon compagnon d'un air surpris. Je dépliai le canapé du salon et couchai avec cet homme.
Il partit au petit matin, me laissant seul dans les brumes de l'alcool, de la cigarette et du doute. Non, je ne doutai pas, je ne pensais même pas. Je ne faisais que ressentir, une sorte de désastre de fin de partie, de gâchis, de dégoût.
Le lendemain, tous mes amis savaient que j'avais ramené un homme chez moi, qui n'était pas François. Tous surpris que je puisse tromper un homme, après si peu de temps. Ils ne savaient pas, ils ne comprenaient pas le désarroi et la colère qui m'avaient poussé dans ses bras. Moi-même je ne savais pas non plus. Je ne savais plus rien. Je ne connaissais plus que le goût acide des remontées d'alcool et la tristesse de l'acte d'amour désespéré de ma nuit.

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