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Face A
4 février 2005

-8-

Il devait venir à Toulouse, passer la nuit à la maison et m'emmener avec lui le lendemain. Depuis une semaine, nos conversations téléphoniques ne tournaient plus qu'autour de ça, nos retrouvailles en quelque sorte, la fois précédente ayant été un peu particulière.
Il arriva assez tard et m'invita à manger dans un restaurant de nuit de la rue Bayard, un petit restaurant charmant, très intimiste, avec sélection à l'entrée. Très fréquenté par la clientèle gay de Toulouse. Nous étions installés dans un petit recoin où nous pouvions à loisir nous caresser les mains, nous dévorer des yeux et nous sourire avec cet air béat de l'amour naissant. Il me parla un peu plus longuement de lui, m'apprit qu'il vivait dans la maison de ses parents, dans la petite ville de L., au pied des pistes de ski et des sommets pyrénéens. Il faisait tous les jours l'aller-retour jusqu'à S. et profitait ainsi d'une grande maison pour lui seul. Ses parents habitaient dans la région parisienne, où son père enseignait en lycée professionnel, et n'étaient donc présents que lors des vacances scolaires. De mon côté, je lui parlai de ma situation actuelle pour lui expliquer quel était mon objectif : intégrer une école de traduction et, à long terme, me mettre à mon compte après avoir si possible accumulé de l'expérience dans une agence de traduction. Lui avait fait des études de biologie et de philosophie, il y avait longtemps de cela.
Après le repas, nous décidâmes de retourner au Shanghai pour y finir la soirée. Une fois dans la rue, François me prit par la main. Ce geste si simple me comblait de joie. C'était la première fois que je pouvais tenir la main à un garçon que j'aimais, et ce en pleine ville. Nous marchions en souriant et nous arrêtions régulièrement pour nous embrasser. Les rues étaient plutôt désertes à cette heure avancée de la nuit.
Devant le Shanghai se tenait un groupe de jeunes « de la cité », la plupart d'origine maghrébine. Nous voyant arriver main dans la main, l'un d'entre eux éveilla l'attention de ses camarades en s'écriant : « Hé ! Voilà des pédés ! » J'eus un pincement au cœur. Mais François ne me lâchait pas la main, et nous nous approchions de la porte d'entrée, et d'eux par la même occasion.
« Hé, vous êtes vraiment pédés ?
- Oui, bien sûr.
- Sans déconner, des vrais ? Vous êtes ensemble et tout ?
- Ben oui. »
Je commençai à me détendre.
- « Sérieux ? Vous êtes ensemble, vous vous aimez et tout ?
- Ben oui. Tu nous crois pas ?
- Chais pas, ça fait drôle... »
François se tourna vers moi et m'embrassa rapidement sur la bouche.
« Tu me crois maintenant ?
-  Ouais, mais ça fait drôle... »
Nous pûmes donc pénétrer au Shanghai sans encombre. Soulagé, pour ma part.
Après avoir dansé des heures durant l'un avec l'autre, nous ressortîmes au petit matin pour regagner mon appartement. La nuit fut très amoureuse, émaillée de confidences au creux de l'oreille et de mots qui me faisaient battre le coeur. D'une part parce que c'était bien la première fois que je les entendais, et d'autre part parce que je ne savais pas comment les prendre. Autrement dit, je ne savais pas si mon plaisir à les entendre était dû à ce qu'ils viennent de ce garçon, ou simplement au fait qu'il était le premier à me les dire.

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